…ou, comment la Mentalité de la Performance a Voilé notre Âme

Nous le ressentons tous, n’est-ce pas ? Ce poids subtil du jugement dans une conversation, cette question anodine sur nos « études » qui semble en réalité chercher à nous classer. Depuis notre plus jeune âge, on nous apprend à performer, à accumuler des diplômes, des titres, des succès. Nous avons intégré l’idée que notre valeur se mesure à notre productivité et à notre statut. Lentement, sans même nous en rendre compte, nous avons reconstruit une prison ancestrale sur des fondations modernes : un système de castes basé non plus sur la naissance, mais sur la réussite intellectuelle, cérébrale et professionnelle. Cette obsession de la performance nous a collectivement plongés dans une profonde cécité spirituelle, nous rendant incapables de voir l’humanité derrière l’étiquette. La mentalité de la performance a obscurcit notre capacité d’aimer, de nous émerveiller comme un enfant.
Le Christ nous dit de devenir comme un enfant :

Les grands et le Royaume (Mt 18,1-5, parallèles : Mc 9,33-37 | Lc 9,46-48)

181 À ce moment-là, les disciples s’approchèrent de Jésus et lui dirent : « Qui donc est le plus grand dans le royaume des Cieux ? » 2 Alors Jésus appela un petit enfant ; il le plaça au milieu d’eux, 3 et il déclara : « Amen, je vous le dis : si vous ne changez pas pour devenir comme les enfants, vous n’entrerez pas dans le royaume des Cieux. 4 Mais celui qui se fera petit comme cet enfant, celui-là est le plus grand dans le royaume des Cieux. 5 Et celui qui accueille un enfant comme celui-ci en mon nom, il m’accueille, moi.

La Genèse d’une Cécité Collective

Au fil des siècles, notre société a perfectionné l’art de la classification. Nous avons érigé des hiérarchies fondées sur le savoir quantifiable, créant une division nette entre les « sachants » et les « non-savant ». D’un côté, nous plaçons sur un piédestal ceux qui ont réussi selon les critères académiques et économiques (syndrome de la blouse blanche devant un docteur, le titre de Maître devant un avocat, le col romain d’un prêtre…). De l’autre, nous regardons avec une forme de pitié, voire de mépris, ceux dont le parcours est moins linéaire, moins « impressionnant ». Basé sur un manque de connaissance de l’autre, nous sommes tenté de l’enfermer dans une caste inférieur pour protéger notre statut de brahmane.

Cette dynamique, nous la perpétuons chaque jour, dans nos familles, entre amis, au travail. Nous nous sommes habitués à évaluer les autres – et nous-mêmes – à travers ce prisme déformant, oubliant que la richesse d’une vie ne se résume pas à un CV. Quelle est le CV de Jésus devant le scribes, les pharisiens, les sadducéens, le sanhédrin ?

Par conséquent, cette évaluation constante a engendré une anxiété de performance qui nous ronge de l’intérieur. La peur de ne pas être à la hauteur, d’être perçu comme un « imbécile » ou un raté, nous pousse à porter des masques : “ Je suis docteur”… “Je suis caissière”… “Je suis nul”… . Nous cachons nos doutes, nos failles, nos passions jugées « inutiles », pour ne présenter au monde qu’une façade lisse et performante. Ce faisant, nous nous coupons non seulement des autres, mais aussi de notre propre essence. Cette cécité n’est pas seulement intellectuelle ; elle est profondément spirituelle. Elle nous empêche de nous connecter à notre intuition, à notre créativité, à cette part de nous qui existe bien au-delà des accomplissements matériels.
N’est-ce pas un certain Saul de Tarses devenu Paul qui nous dit : lorsque je suis faibles, je suis fort : 2 Cor 12:9-10 (SG21)

“et il m’a dit: «Ma grâce te suffit, car ma puissance s’accomplit dans la faiblesse.» Aussi, je me montrerai bien plus volontiers fier de mes faiblesses afin que la puissance de Christ repose sur moi. C’est pourquoi je me plais dans les faiblesses, dans les insultes, dans les détresses, dans les persécutions, dans les angoisses pour Christ, car quand je suis faible, c’est alors que je suis fort”.

Les Nouveaux Brahmanes : Quand le Savoir Devient Pouvoir

Ce système de castes moderne a ses propres figures d’autorité, ses nouveaux prêtres. Pensons aux « blouses blanches », ces docteurs et scientifiques que nous investissons d’une confiance quasi absolue. Leur savoir technique est si valorisé que leur parole devient souvent un dogme, écrasant parfois le ressenti ou l’intuition du patient. De la même manière, les érudits, les experts et les technocrates forment une caste de prêtres laïcs du savoir. Nous leur avons délégué le pouvoir de penser le monde, de dicter ce qui est juste, vrai et bon. Leur discours, complexe et bardé de jargon, crée une distance et renforce l’idée qu’il y a ceux qui savent et ceux qui doivent simplement écouter et obéir.

En contrepartie, cette structure relègue une immense partie de la population au rang de laïcs du savoir, de simples spectateurs. L’artisan dont les mains possèdent une connaissance ancestrale, la mère au foyer qui développe une expertise humaine incomparable, l’artiste qui perçoit des vérités invisibles au commun des mortels… Toutes ces formes de sagesse sont dévalorisées car elles ne rentrent pas dans les cases de l’intelligence purement cérébrale. Nous passons ainsi à côté de l’essentiel : la sagesse du vécu, la connaissance intuitive, et surtout, l’intelligence de cœur. Cette dernière, qui englobe l’empathie, la compassion et la capacité à créer du lien, est pourtant la seule qui puisse véritablement nous guérir de notre solitude collective.

L’Aube de l’Intelligence du Cœur

Alors, comment prouver que nous sommes marqués par ces siècles de cécité spirituelle ? La preuve ne se trouve pas dans un livre d’histoire, mais au plus profond de nous. Observez simplement vos propres réactions. Ressentez-vous une pointe d’admiration automatique pour un neurochirurgien et un léger malaise pour un éboueur ? Jugez-vous la pertinence d’une opinion en fonction du niveau d’études de celui qui la prononce ? Ce sont là les symptômes de notre conditionnement, les réflexes d’un système de castes intériorisé. Reconnaître cela en nous, sans honte mais avec une douce lucidité, est le tout premier pas vers la guérison. C’est l’acte courageux qui consiste à allumer une bougie dans l’obscurité de nos propres préjugés.

C’est précisément ici que la transformation commence. Comme le dit une profonde sagesse : “Les systèmes de castes ne meurent pas d’eux-mêmes. Ils doivent être transformés par la vérité, l’amour, et une volonté collective de justice. Et cela commence par chacun de nous.” Cette transformation nous appelle à un changement radical de perspective. Il s’agit de faire consciemment l’effort de chercher la valeur en chaque être humain, indépendamment de son statut ou de ses accomplissements. Cela signifie écouter avec la même attention la parole d’un non-savant et celle d’un érudit. En définitive, il s’agit de réhabiliter et de célébrer l’intelligence de cœur comme la plus haute des compétences humaines. C’est en choisissant l’empathie plutôt que le jugement, la connexion plutôt que la compétition, que nous commencerons, un à un, à démanteler les murs de cette prison invisible et à retrouver le chemin vers notre humanité partagée.


Disciples missionnaires et amoureux de Jésus
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